Qu’est-ce qui nous pousse à adopter un certain comportement ? Pourquoi décidons-nous d’agir d’une façon plutôt que d’une autre ? Ces questions trouvent en partie leur réponse dans les nombreuses études qui se sont intéressées aux leviers de la motivation.
Aujourd’hui, les performances économiques ne sont plus les seules à déterminer la réussite d’une entreprise. Le bien-être de ses salariés et la capacité d’une organisation à garder ses collaborateurs motivés ont également tendance à s’imposer comme indicateurs de sa performance.
La recherche a mis en avant la différence entre motivation intrinsèque et motivation extrinsèque pour expliquer les comportements des individus. Cette distinction, et son application au monde du travail, a notamment été théorisée par les chercheurs Edward L Deci et Richard M Ryan dont les recherches à ce sujet sont des références.
Motivation intrinsèque et motivation extrinsèque : définitions
On distingue la motivation dite « intrinsèque » de la motivation dite « extrinsèque ».
La motivation intrinsèque vient des désirs propres de l’individu. L’individu n’est ainsi pas motivé par des facteurs extérieurs comme la recherche d’une gratification ou la crainte d’une sanction mais par ses envies, la satisfaction qu’il tire à adopter ce comportement. Autrement dit, la motivation intrinsèque est celle qui nous emmène à accomplir une tâche en l’absence d’éléments externes incitatifs ou dissuasifs.
A l’inverse, la motivation extrinsèque conduit l’individu à agir en fonction de facteurs externes. La motivation extrinsèque peut aussi bien être fondée sur le désir d’obtenir des récompenses (prime, promotion etc.) que sur la volonté d’éviter une sanction (blâme, mauvaise évaluation etc.).
La notion de motivation autonome
La motivation autonome désigne le fait que les personnes s’engagent dans une activité en ayant pleinement conscience de leur volonté et de leur choix.
On associe généralement motivation autonome et motivation intrinsèque. Cependant, et particulièrement dans le contexte professionnel, le fait qu’une activité soit motivée de manière extrinsèque, ne signifie pas systématiquement que l’individu est dépourvu de motivation autonome.
En effet, il existe, en réalité, quatre types de motivations extrinsèques. On les différencie notamment en fonction du degré d’autonomie qu’a l’individu :
- externe : comportement perçu par le sujet comme étant totalement contrôlé, souvent par le biais de récompenses et de sanctions.
- introjectée : comportement motivé par la recherche d’approbation, de statut ou de reconnaissance.
- identifiée : dans cette hypothèse, le sujet a conscience de son rôle, de l’importance de son travail et se sent personnellement concerné par l’activité qu’il doit mener même si il n’en est pas l’initiateur.
- intégrée : l’individu s’engage avec authenticité et vitalité dans les activités car il s’identifie totalement aux attentes de l’organisation, de ses supérieurs.
Les recherches récentes séparent généralement ces quatre formes de motivation extrinsèques en deux groupes : les motivations externes et introjectées sont dites « contrôlées » et les motivations identifiées et intégrées sont dites « autonomes » et se rapprochent de la motivation intrinsèque.
Motivation intrinsèque et extrinsèque : différence et effets à long terme
La motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque sont toutes deux d’efficaces instigateurs de comportements. Si, à court terme, elles peuvent permettre de parvenir au résultat souhaité, la différence se manifeste sur les conséquences à long terme.
De façon très schématique, on considère que la motivation extrinsèque favorise un faible intérêt pour la tâche à accomplir et une tendance au renoncement rapide. La motivation intrinsèque quant à elle favoriserait la persévérance, la créativité et le bien-être de l’individu.
La limite de la motivation extrinsèque réside dans le fait qu’une personne peut, plus ou moins facilement, développer des stratégies pour obtenir ce qui le motive (la récompense), sans pour autant atteindre réellement les objectifs recherchés. Ainsi, dans le contexte académique, un élève peut mettre en place des mécanismes pour obtenir une bonne noté sans pour autant qu’il n’y ait ni un intérêt pour la matière ni une vraie assimilation des connaissances. En apparence, l’objectif est atteint mais en réalité un tel procédé est préjudiciable à long terme.
A l’inverse, la motivation intrinsèque se manifeste par un réel engagement de la personne et sa persévérance dans ses tâches.
Comment conjuguer efficacement motivations extrinsèques et intrinsèques ?
Certains psychologues affirment ainsi que seules les motivations intrinsèques fonctionnent pour les objectifs à long terme, comme la réussite professionnelle ou l’apprentissage de nouvelles compétences.
Pour autant, en pratique, à l’école comme au travail, il est fait appel à la fois à la motivation intrinsèque et à la motivation extrinsèque et non exclusivement à l’une ou l’autre. Ainsi, un employeur offre des récompenses (primes, des promotions, etc.) mais cherche aussi à exploiter les motivations intrinsèques des collaborateurs.
On aurait tendance à penser qu’avoir plusieurs motivations pour faire quelque chose est forcément plus efficace que de n’en avoir qu’une seule. Exploiter les motivations intrinsèques et les motivations extrinsèques semble donc être un moyen infaillible pour un manager de mobiliser l’ensemble des leviers motivationnels d’un collaborateur.
La recherche suggère cependant que lorsqu’il y a différents types de motivations pour la même action, celles-ci peuvent parfois être en concurrence.
C’est notamment ce qui ressort d’une étude menée sur des cadets de l’école militaire West Point aux Etats-Unis. D’une part certaines motivations extrinsèques peuvent saper les motivations intrinsèques et entraîner une baisse de la motivation globale, de la persévérance et des performances. D’autre part, les motivations intrinsèques contribuent à atténuer les effets négatifs des motivations extrinsèques. Les chercheurs soulignent ainsi que le fait d’avoir des motivations intrinsèques fortes pour entreprendre une action sera associé à une persévérance plus forte et à une meilleure performance. Cependant, lorsque ces motivations intrinsèques sont accompagnées de motivations extrinsèques fortes, la persévérance et la performance seront moins bons.
Il ne s’agit toutefois pas de conclure qu’il existe une opposition tranchée et que la motivation intrinsèque est la seule qui puisse réellement être efficace.
Selon Edward L Deci et Richard M Ryan, mobiliser en même temps à la motivation intrinsèque ou extrinsèque peut avoir, selon le contexte, un effet favorable, défavorable ou même neutre.
Faire appel à des motivations extrinsèques contrôlées s’accompagne souvent d’une diminution à long terme de la motivation intrinsèque. A l’inverse toutefois, d’autres formes de motivation extrinsèques, telles que les opportunités de changement ou des styles de management favorisant l’autonomie, contribuent à maintenir ou favoriser la motivation intrinsèque.
Comment favoriser la motivation intrinsèque en pratique ?
Dans le contexte professionnel, les chercheurs Edward L Deci et Richard M Ryan suggèrent différentes approches propres à favoriser la motivation intrinsèque.
- Mettre en avant les objectifs de l’entreprise autres que la seule réalisation des bénéfices
Sans cela les motivations intrinsèques peuvent s’étioler tandis que les motivations extrinsèques prennent le dessus. Des rappels simples mais réguliers de l’objectif de l’organisation peuvent maintenir les motivations intrinsèques dominantes et améliorer en même temps les performances des employés. - Communiquer sur les différentes retombées du travail du collaborateur, autres que la seule obtention d’une récompense
Plutôt que les seules facteurs extrinsèques incitatifs (primes, options d’achat d’action, augmentations), les entreprises peuvent mettre les effets significatifs du travail des collaborateurs tels que leur impact sur les autres ou la maîtrise d’une compétence. - Favoriser l’autonomie pour maintenir la motivation intrinsèque
Lorsque les collaborateurs sont supervisés de manière rigide, avec peu d’autonomie pour mener leurs activités quotidiennes, cela peut éroder les motivations intrinsèques. La possibilité de façonner l’activité elle-même, de manière à en accroître l’intérêt ou le sens pour le salarié, renforce la motivation à long terme. Même dans les hypothèses où le degré d’autonomie que peut avoir le salarié est plutôt limité, le simple fait d’avoir une compréhension des tâches à accomplir dans le cadre d’une action améliore l’engagement et la persévérance dans le temps.
Conclusion
Lorsque la motivation passe principalement par des mécanismes de contrôle, que ce soit par le biais de récompenses contingentes ou de la dynamique du pouvoir, cela peut, avec le temps, avoir des retombées négatives sur les performances et l’engagement au travail.
A l’inverse, plus les collaborateurs se sentent responsables et autonomes dans l’exécution de leur travail plus cela est susceptible de maintenir leur motivation intrinsèque et de favoriser leur engagement au sein de l’organisation.
Du point de vue l’entreprise et du management, il est donc essentiel de maîtriser les outils tels que la rémunération, la détermination d’objectifs et l’organisation du travail et d’en comprendre la signification pour les mobiliser de manière à favoriser la motivation des collaborateurs.
Sources
Deci, Edward & Olafsen, Anja & Ryan, Richard. (2017). Self-Determination Theory in Work Organizations: The State of a Science. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior. 4. 10.1146/annurev-orgpsych-032516-113108.
Amy Wrzesniewski & Barry Schwartz & Xiangyu Cong & Michael Kane & Audrey Omar & Thomas Kolditz (2014). Multiple types of motives don’t multiply the motivation of West Point cadets. Proceedings of the National Academy of Science.111.30.10990-10995.